La couleur des sentiments   Kathryn Stockett

28/08/2021

J'ai envie de crier assez fort pour que Baby Girl m'entende, de crier que sale, c'est pas une couleur, que les maladies, c'est pas les Noirs.

Je voudrais empêcher que le moment arrive - comme il arrive dans la vie de tout enfant blanc - où elle va se mettre à penser que les Noirs sont moins bien que les Blancs.

D'un côté les Blancs, de l'autre, les Noirs. D'un côté, la richesse, les faux-semblants, le bridge et les apparences sociales. De l'autre, les domestiques, le tablier blanc, la pauvreté et les longues heures de travail. Ce qui sépare ces deux groupes, c'est ce qu'on appelle l'apartheid.

Jackson, dans le Mississipi, est le meilleur exemple possible d'une ville régie par des lois raciales, obligeant les Noirs à vivre dans un quartier différent de celui des Blancs. Des lois qui leur interdisent de se mélanger, les Noirs devant se cantonner à leur rôle de domestiques, de nourrices. Parce que si ces femmes blanches sont des génitrices, ce ne sont pas elles qui s'occupent quotidiennement de leurs enfants, ce rôle revient à Minny, à Aibileen, à Yule May. Un rôle à double tranchant : au début des liens très forts se créent entre une nourrice et les enfants qu'elle garde jusqu'à ce que l'apartheid et les lois raciales prennent le dessus.

Dans cette ville, personne ne semble questionner ouvertement ce système, pour les domestiques elles savent qu'elles n'ont pas le choix, tandis que les maîtresses de maison ne font que renforcer ce système en proposant constamment de nouvelles lois raciales toujours plus dégradantes et humiliantes. Mais le jour où une Blanche propose de construire des toilettes spécifiques pour les domestiques afin de ne « pas choper de maladie », cela va trop loin pour Miss Skeeter. C'est alors une remise en question de ce système qui s'opère, lui donnant envie d'écrire un livre sur les conditions des domestiques et les rapports qu'elles entretiennent avec les familles blanches. Seulement, comment dénoncer un système aussi bien ancré sans pour autant nuire et mettre en péril la vie de celles qui accepteraient peut-être de témoigner ?

Pour moi, il s'agissait d'une relecture puisque je l'avais déjà lu au collège. J'en ai conservé un vague souvenir, peut-être un peu trop jeune pour en comprendre tous les tenants et les aboutissements. J'ai trouvé cet ouvrage à la fois bouleversant et poignant de vérité avec des personnages ayant des caractères bien marqués : la douce Aibileen, l'insolente Minny. Le personnage de Minny est d'autant plus intéressant puisqu'elle incarne la rébellion, en ne se soumettant pas au silence imposé par sa condition. A l'opposé, on a Aibileen, incarnant la nécessité de travailler, d'endurer des conditions lamentables de travail ponctuées de sermons humiliants, puisqu'aucun autre avenir ne lui est permis. Ces femmes fortes font preuve de résilience, d'humilité et de courage, ce qui les rend à la fois attachantes et inspirantes.

Le récit est une alternance de chapitres qui donnent tour à tour la voix à Aibileen, Minny et Miss Skeeter, permettant de donner du rythme à la lecture mais aussi de découvrir plusieurs points de vue sur une histoire commune. De plus, les personnages féminins sont au cœur de ce récit, les hommes étant relégués au second plan de maris, de fils, ce qui apporte une vision plus crue de la vie en 1962. En effet, que ce soit la méchanceté des maitresses blanches entre elles, la solidarité des domestiques noires, la cruauté de les laisser élever des enfants qui finiront par les mépriser par la suite, cela permet d'aborder la complexité féminine et le fait de devoir être ce que la société attend de nous sans jamais fauter quelque soit notre couleur de peau.

Écrit par Valentine


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